Jeux d’été : quand les mots tuent

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Par Denise Paquin
Jeux d’été : quand les mots tuent
« Jeux d’été », de Diane Vincent, a été récompensé par la Société des écrivains francophones d’Amérique. Photo – Courtoisie / Montage - Courrier de Portneuf

Le temps est moins lourd – enfin ! – et plus propice, peut-être, à se plonger dans des intrigues ayant de la substance, comme « Jeux d’été ». Et ne vous fiez pas au titre : le dernier roman de Diane Vincent, comme ses précédents, n’est pas pour les enfants ! 

« Que cherchait-il en égorgeant sa victime, en lui prélevant des lambeaux de peau de manière chirurgicale et en abandonnant le corps dans ce parc du Plateau-Mont-Royal, à la vue du premier lève-tôt?»

C’est pour répondre à cette question que le sergent-détective Vincent Bastianello et sa fidèle complice, la massothérapeute Josette Marchand, mèneront l’enquête jusqu’en Europe, découvrant en chemin de nouvelles expressions de la violence.

Pour son septième roman policier, l’auteure de Deschambault-Grondines dit « s’être plongée dans les profondeurs de l’âme noire ». « J’avais le goût de travailler sur un psychopathe alimenté dans sa dérive, sa folie, son ignorance, par un discours ambiant », explique-t-elle.

Si elle n’a eu qu’à suivre l’actualité «  pour inventer des choses cruelles », explorer les motivations du tueur a été plus éprouvant, car elle travaille dans un champ qu’elle connaît très bien : la violence verbale. Oui, pour cette spécialiste du discours, les mots peuvent tuer.

L’intrigue policière se double donc d’une réflexion sur l’influence négative des mouvements d’extrême droite, ceux au Québec, par exemple. Mais ils ne sont pas uniques. Cette violence a déjà existé dans l’histoire, comme le découvrira le duo Bastiannelle-Marchand.

« J’avais l’intention d’aborder la question des crimes haineux, de la haine en général, qui est souvent associée à l’ignorance, à la désinformation, aux amalgames. Et puis, je voulais aussi, au départ, mettre en filigrane un discours public, le discours des animateurs de radio », explique Diane Vincent, en entrevue.

Une deuxième voix s’insinue donc dans l’intrigue, par les intitulés « Buzzz Radio… La radio de ta voix ! » « Je voulais que ce soit en filigrane, qu’il y ait une ambiance, un ton qui conforte les gens dans leurs pensées extrémistes de droite, explique l’auteure. On est tous confrontés à ce bruit de fond, même quand on ne l’écoute pas, de la radio extrême ou de la radio poubelle. » Sans s’en rendre compte, cette influence « rend tolérable l’intolérable, ça rend normal les amalgames, les manipulations », avance-t-elle.

Elle a travaillé et retravaillé les extraits afin de les rendre le plus crédibles possible. « Je ne pouvais pas l’écrire comme un discours banal. Même chose pour les fautes d’orthographe, les niveaux de langue, c’est ça que j’ai lu pendant des années ! » Son roman, qu’elle a mis quatre ans à écrire, est d’une criante actualité.

L’enquête mène aussi son duo en Europe, plus précisément à Chambéry, en France, où l’auteure a elle-même réalisé la plupart de ses recherches sur la violence verbale. « Quand je marchais dans Chambéry, je suis tombée sur un petit panneau qui indiquait que pendant la guerre telle personne était morte. Ça m’a confirmé qu’une partie de la vie de mon personnage pouvait très bien être campée à Chambéry », explique-t-elle.

Et pour la première fois également, Diane Vincent a créé des personnages vraiment bons, pour établir un équilibre avec les personnages violents. « Quand on écrit des romans policiers, des fois, on sème le doute sur certains personnages qui sont du bon monde en disant qu’ils ne sont peut-être pas parfaits. Mais là, je ne voulais pas semer le doute. Estelle, pour moi, c’est l’emblème de la bienveillance », dit-elle.

Diane Vincent travaille sur son prochain roman, explore la nouvelle et projette la publication d’un recueil inspiré de ses voyages.

 

 

 

 

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