Après des mois de confinement, il est remarquable de voir le monde venir à nous grâce à la 9e édition de la Biennale internationale du lin de Portneuf (BILP). Cette année plus qu’auparavant, en raison de la pandémie, plusieurs ont soif d’étonnement et de beauté. Ces œuvres arrivées d’aussi loin que de Lituanie ou de Pologne sauront les contenter.
Cette Biennale éclatée en quatre lieux à Deschambault-Grondines propose encore des œuvres de grande qualité. Celles d’une vingtaine d’artistes d’Amérique et d’Europe. Et rien ne laisse paraître tous les tours et détours que ses organisateurs ont dû faire pour les amener à bon port.
« Le thème Revirements avait été choisi bien avant la pandémie », rappelle le président de la BILP, Donald Vézina. Or, il s’est imposé aux artistes, malgré eux, dans la création de leur œuvre. La pandémie a teinté le travail de certains, soit par le choix du sujet, l’envergure du projet ou sa matière, toujours en lien avec le lin. Certains, comme le Newyorkais Jozef Bajus, ont voulu conjurer la virus en créant une œuvre colorée, voire amusante, comme celle de Sarah Stevenson (au Vieux Prebytère).
La fermeture des frontières a empêché les artistes de venir monter leur œuvre et de fraterniser avec les organisateurs et le public. Les deux Québécoises choisies pour la résidence d’artistes à Guimarães, lieu de Contextile, ont créé leur œuvre chez elles grâce au contact virtuel avec le Portugal. Et la distance n’a pas émoussé leur inspiration.
Devant l’impossibilité de se déplacer, des créateurs se sont concentrés sur ce qu’ils avaient à leur portée, comme la plupart des gens. Chantal Bouchard a mis du lin sous son microscope (Voir Lin), Michèle Bédard a exploré l’infiniment petit avec son pinceau (Tango).
Le revirement a été majeur pour l’artiste lituanienne Greta Kardi : elle a dû recréer œuvre « Time to Feel the Flax Fields », dont l’installation était prévue à l’extérieur, de façon à la présenter dans le Moulin de Lachevrotière.
D’autres ont exploré le passé. Pour « Linenopolis », surnom donné à Belfast au 19e siècle, Heidi McKenzie, de Toronto, a reproduit de fines images du travail en usine sur des tuiles de porcelaine reproduisant les cartes du tissage sur métier Jacquard. Ces cartes sont les ancêtres des cartes informatiques, disparues elles aussi.
L’œuvre qui suscite le plus d’émotion chez les visiteurs, selon Donald Vézina, est celle de la Montréalaise Montserrat Duran Muntadas, « La femme aux mille cœurs », au Moulin de Lachevrotière. Chaque cœur de verre soufflé par l’artiste a été enrobé d’un travail au crochet ou à l’aiguille réalisé par des Portneuvoises aux mains habiles (voir la photo en page 1).
De plus, à l’église Saint-Joseph, on peut admirer les œuvres des deux Québécoises qui ont effectué une résidence d’artistes dans le cadre de l’entente entre la BILP et Contextile, festival textile au Portugal. Pour « Retracer les lieux », Mylène Boisvert, de Montréal s’est inspirée du jardin d’une voisine portugaise et du travail de broderie en rouge et blanc réalisé par les brodeuses de Guimarães, ville hôtesse de Contextile.
M. Vézina affirme enfin qu’il ne faut pas manquer de faire un détour par le Vieux Presbytère de Grondines pour y découvrir le travail de la relève du Québec et d’ailleurs sous le thème « Le fleuve en partage ». Certains d’entre eux reviendront sûrement exposer une œuvre dans une édition ultérieure de la Biennale.
Enfin, il signale une nouveauté : étant donné que les artistes n’ont pu venir installer leurs œuvres, c’est par un moyen virtuel que l’on peut les écouter raconter leur démarche. Des codes QR, près des œuvres, donnent accès aux entrevues.
Les expositions se poursuivent jusqu’au 3 octobre.
Les Cœurs crochetés viennent de partout. Pas seulement de Portneuf! Je suis de Cowansville et j’en ai un qui fait parti de l’œuvre.