Le mot en « D »

par Robert Jasmin
Le mot en « D »

Michael Löwy est directeur de recherche au Centre de la recherche scientifique à Paris. Il  écrivait ceci dans la revue new yorkaise Monthly Review de juillet : » L’avenir de la planète, et donc de l’humanité, sera décidé dans les décennies à venir ». Ce sont les décennies de la vie de nos enfants. Nos parents et grand-parents ont mis leur mode de vie entre parenthèses, consacré des sommes astronomiques et pour certains, leur vie pour défendre la liberté et la  démocratie. Ils ont accepté d’être contraints à des privations pour sauver leur civilisation.

Nous sommes confrontés à un défi encore plus grand : la sauvegarde de la vie humaine. Je n’ai surtout pas dit de notre style de vie. Car cette manière de vivre est justement la cause de l’état de notre planète. Toute la logique de notre économie est fondée sur le profit et ici je ne parle pas du profit pour vivre des gens ordinaires, je parle de ceux qui font du profit le moteur et la fin de la grande économie. De ceux qui jouent avec nos gouvernements comme des marionnettistes. De ceux qui font marcher un système absurde.

L’absurdité est facile à concevoir et ce, à deux égards : d’abord, au nom de la liberté (celle des grands décideurs, bien sûr) on produit n’importe quoi, n’importe comment, après avoir conditionné les gens à « avoir besoin » de ce qu’ils ont décidé de produire. Et s’il y a plus de profit à produire des biens inutiles voire néfastes, ils vont privilégier ces biens au détriment des biens nécessaires mais moins rentables.

La logique du système est aussi absurde en ceci : il demande une production (et donc une extraction) de biens, constante et ininterrompue. Or, comment concilier ce mode de production infinie sur une planète finie c’est-à-dire limitée par sa constitution même de planète. Une saine logique issue d’un esprit sain ne peut en arriver qu’à une seule conclusion: si la croissance infinie est impossible, il faut songer à organiser la décroissance. Mais voila un mot que vous n’entendrez jamais de la bouche d’un décideur, un mot tabou, le mot en « d ». De plus en plus de chercheurs en font toutefois leur priorité : définir la décroissance, explorer les manières d’y arriver, mettre les citoyens dans le coup pour concevoir une manière de vivre mieux comme humanité. Un grand débat, un beau défi.

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