L’art et la démocratie : deux mots qui ont fait, font et feront toujours l’objet de débats. Commençons par enlever l’arbre qui cache la forêt : en démocratie, l’artiste doit jouir de la plus grande liberté. Le contraire serait une création artistique dirigée, contrôlée par des dirigeants politiques ou religieux. Un exemple : Staline qui se permet de signer lui-même un éditorial de la Pravda dans lequel il dénonce et démolit une œuvre du compositeur Chostakovitch disant de celle-ci qu’elle était dégénérée et non valable pour être entendue par le peuple. C’est un exemple extrême mais parlant. D’autres dirigeants sont plus subtils dans leur approche.
En tant que démocratie, le Canada a développé des règles communes aux autres grandes démocraties en matière de financement et d’octroi pour œuvres publiques. On constitue des jurys à qui l’on confie la tâche de décider du choix d’une œuvre. Ce fut le cas pour le choix d’un monument commémoratif aux combattants de la guerre en Afghanistan. Le jury était exceptionnel à sa face même : un vétéran, une représentante de familles de vétérans, un directeur de musée, un architecte, un historien, une architecte de paysage et un ancien ambassadeur en Afghanistan. Ces gens ont été payés par nous, le public. Ils ont discuté, délibéré et décidé de l’oeuvre qu’il jugeaient la meilleure à tous égards, celle d’une firme d’architectes de Québec.
Le gouvernement Trudeau, ne respectant pas les règles qu’il avait lui-même édictées, balaya la décision du jury et fit un autre choix découlant, a-t-il soutenu d’un sondage. Si on avait décidé par voie de sondages, il n’y aurait pas de Musée Guggenheim à Bilbao et il n’y aurait pas de Pyramide au Louvre. Aujourd’hui, personne n’imagine ces endroits sans ces œuvres d’art. Si on avait décidé par sondage, aucun des très beaux films de Bernard Émond n’aurait trouvé le financement pour leur réalisation. L’art n’est pas que divertissement, il questionne, dérange et fait réfléchir. La majorité, recherchée dans tout sondage, n’aime pas être dérangée dans ses goûts ou ses habitudes.
Les grands artistes ont rarement été compris et acceptés par le public de leur époque car ils sont généralement visionnaires et c’est souvent avec le temps que leur art devient consensuel. Laissons les donc travailler en toute liberté et laissons les jurys compétents décider du choix des œuvres publiques.