La douzième question

par Robert Jasmin
La douzième question

Jusqu’aux années 60, tous les écoliers du Québec ont eu à apprendre par coeur presque toutes les questions et les réponses du petit catéchisme (519 au total). La question numéro 12 demandait : « Où est Dieu? » Il fallait répondre : »Dieu est partout ». J’imagine que, pour les croyants de toutes les religions, la réponse serait la même et encore aujourd’hui. Or, si Dieu est partout, il doit pouvoir être prié partout. Alors pourquoi certains croyants croient-ils que Dieu ait besoin d’être confiné dans un lieu précis pour être loué (je ne parle pas du local, ici c’est loué dans le sens de louange). C’est ce que demandent certains musulmans pour les élèves du Québec, en exigeant un lieu de prière dans les maisons d’enseignement.

Ne nous cachons pas derrière la colonne : qu’on le maquille en lieu de recueillement pour tous, il s’agit bel et bien d’un lieu religieux ostentatoire pour les jeunes musulmans, car aucune autre religion n’a fait de telles demandes auprès des autorités. La croyance en Dieu n’est-elle pas une relation personnelle entre le croyant et son dieu? La religion en a fait une question de pouvoir, d’où la tentation d’être ostentatoire et Dieu sait qu’on s’y connaît au Québec en matière de religion ostentatoire! Mais revenons à la question fondamentale pour un croyant : Dieu a-t-il besoin d’un lieu où il serait confiné?

Pour nous faire accepter l’idée d’un tel local, on nous dit : « Ce n’est pas un local religieux, c’est un local de recueillement où on se retire du monde et du bruit pour mieux s’adonner à la spiritualité. » Spiritualité, du latin spiritus, esprit, ce qui touche le monde de l’esprit (indépendant de la matière). Or, n’est-ce pas là, la plus belle définition d’une bibliothèque : un lieu où on se retire dans le silence pour mieux s’adonner aux activités de l’esprit? Ce local existe déjà dans les maisons d’enseignement.

Mais, c’est une pure naïveté de ma part : je doute fort que les imams et autres ecclésiastiques de ce monde favorisent la prière dans un tel lieu de perdition. Car une bibliothèque est un lieu de liberté où se côtoient anges et démons (en d’autres mots, l’humanité), où toutes les questions sont posées tant par les philosophes, les scientifiques que par les romanciers. Toutes les questions, même celles qui n’ont pas encore de réponses et, les plus belles, celles dont les réponses ouvrent la porte à d’autres questions.

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