Inspirante Kim Thuy!

Pierre Paquet

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Inspirante Kim Thuy!
Kim Thuy s'adresse à son public, parfois avec humour, parfois avec grande profondeur. (Photo : Pierre Paquet)

On n’assiste pas passivement à une conférence de Kim Thuy. Non! On plonge avec émotion et fascination dans le parcours fort particulier d’une petite Vietnamienne de 10 ans qui quitte son pays natal dans la cale d’un bateau, comme boat-people, pour se retrouver dans un camp de réfugiés avant de venir s’épanouir au Québec. 

Et lorsque cette femme de 55 ans à la carrière remarquable termine son allocution, on réalise que malgré les pires conditions de vie subies à cause de régimes politiques dictatoriaux, certaines personnes douées d’une grande force de résilience peuvent devenir des modèles qui nous inspirent, par leur courage et leur détermination.

L’éducation d’abord

Invitée par le Centre de services scolaires de Portneuf à prendre la parole lors de la Journée du personnel du 19 avril, l’écrivaine qui a maintenant à son actif huit livres vendus à 850 000 copies à travers le monde, a consacré sa communication aux quelques 350 éducateurs présents dans l’auditorium de l’école secondaire de Donnacona.

» C’est difficile pour vous, enseignants, de voir tout l’impact que vous avez sur les jeunes car on n’a pas tous la chance de vous dire à quel point vous avez été marquants dans nos vies. Je prends sur moi d’être en quelque sorte l’ambassadrice de tous les élèves pour vous le dire. «

Née dans une famille où l’éducation et la culture occupaient une grande place, Kim Thuy a d’abord rappelé à quel point, encore aujourd’hui, l’éducation occupe une très grande place au Vietnam. Ainsi, encore de nos jours, des enfants de villages situés en retrait n’ont même pas de route pour aller à l’école. Pour s’y rendre, ils mettent leurs vêtements dans un sac de plastique avant de traverser une rivière à la nage et se rhabiller de l’autre côté de la rivière. 

En 1975, après la fin de la guerre entre le Nord du Vietnam communiste, et le Sud soutenu par les Américains, les mauvais traitements et le sévices contre les habitants du Sud, ont commencé. Une des insidieuses mesures gouvernementales fut d’interdire la lecture.

» Dans un pays pauvre et en guerre, le livre est déjà un objet de luxe. J’ai eu la chance de vivre dans une famille où il y avait beaucoup de livres, ce qui nous a causé beaucoup de problèmes car les livres étaient considérés antirévolutionnaires et antipatriotiques. On devait même brûler les livres de mathématiques! Nous, les petits, devions déchirer les pages des livres afin qu’ils se consument bien lorsque nos parents les brûlaient durant la nuit. «

L’éducation était si importante aux yeux des parents de la petite Kim qu’ils ont décidé que ça valait la peine de risquer la mort sur une embarcation de fortune pour arriver un jour dans un pays qui offre l’accès à l’éducation. Il faut savoir qu’entre 1975 et 1991, près d’un million de réfugiés vietnamiens se sont enfuis à bord d’embarcations de fortune, et presque la moitié sont morts en mer, victimes des exactions de pirates et de naufrages.

Cette préoccupation pour l’éducation se montre constante chez la mère de Kim. Arrivée à un camp de réfugiés, en Malaisie, la mère se dit qu’on doit continuer à éduquer les enfants. » Elle a donc trouvé dans le camp un endroit avec une grosse roche et elle a dit : «c’est ici l’école»! Elle a recruté d’anciens enseignants parmi les 2000 réfugiés entassés et les a invités à enseigner à cet endroit. Le sable servait de cahier aux enfants et une petite branche remplaçait le crayon.

À la fin de son allocution, Kim Thuy a eu droit à une ovation debout de la part des éducateurs présents. Photo : Pierre Paquet

Dignité retrouvée

Puis, la famille est arrivée au Québec en mars 1979. » Le plus beau cadeau que j’ai reçu de ma vie, c’est ce moment où on nous regardait comme si nous étions des cadeaux tombés du Ciel. Après des mois passés au camp de réfugiés, sans avoir accès à un miroir, je me suis vue dans leur regard. Je ne m’étais jamais vue aussi belle qu’à ce moment-là et je ne me suis jamais revue aussi belle qu’à ce moment-là, parce qu’ils nous ont redonné notre dignité en une fraction de seconde. Je suis tombée en amour avec ces personnes et comme ils parlaient Québécois, j’ai appris le Québécois pour faire partie de cette culture-là.»

«Vous cultivez des humains pour notre société»

L’intéressante conférencière a rappelé une anecdote. S’étant retrouvée assise à la table d’une physicienne récipiendaire d’un important prix, elle lui a demandé : » Pourquoi, en général,  les humains ont toujours besoin de savoir plus, encore et encore. On est toujours en train de chercher, d’apprendre. La physicienne de lui répondre : » Vous savez, les connaissances sont la seule forme de l’infini que l’humain a le pouvoir de saisir, de toucher, et c’est pour ça qu’on n’arrête pas d’apprendre; parce que les connaissances sont à l’infini «. 

S’adressant aux éducatrices et éducateurs présents dans la salle, Mme Thuy leur a soufflé » à tous les jours, vous offrez l’infini aux jeunes. Tous les jours, vous cultivez des humains pour notre société. Vous êtes plus que précieux parce que si nos petits sont bien préparés, ils vont devenir des adultes extraordinaires. Ils vont se découvrir des passions et des intérêts. S’il y a des jours où vous êtes découragés et que vous avez envie de nous abandonner, rappelez-vous toute la reconnaissance que nous ressentons pour vous. » 

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