Il avait cinq ans lorsque sa famille, des réfugiés russes tchétchènes, fut accueillie en France. Déjà, à cet âge, son père avait commencé à assembler les premiers barreaux de sa cage. C’était pour sa protection contre toutes des idéologies mauvaises qu’il allait rencontrer au fil des ans dans ce pays de perdition. Cette cage idéologique était d’une rigidité à toute épreuve. Un seul livre pouvait y entrer : le livre du prophète.
Mais, dans le pays de Rimbaud, de Hugo et de Picasso, soufflait en permanence un vent de liberté. L’enfant en grandissant était exposé aux idées, aux débats, et au doute, en somme, à la connaissance. Le père savait que cette exposition à la littérature et à la science allait affaiblir les barreaux de la cage idéologique qui protégeaient son fils. C’est alors qu’il reçut l’aide d’un prédicateur. Le prédicateur était un spécialiste en fabrication et en consolidation de cages.
C’est grâce à ce spécialiste que l’enfant devenu grand apprit que le mal régnait en maître dans le pays décadent de Rimbaud, de Hugo et de Picasso. Que la musique, la danse et les arts en général étaient autant de lieux de liberté. Or, à force de vivre prisonnier dans une cage idéologique, l’enfant devenu grand avait pris la liberté en horreur. C’est alors qu’il consacra sa vie à la combattre.
Ayant identifié l’ennemi, il retourna sur les lieux de la tentation et du mal, là où tous sont exposés à la liberté de penser : l’école. Sachant qu’il risquait la mort au combat, il ne craignait pas celle-ci car le spécialiste lui avait dit que la mort d’un martyr lui garantissait ue vie meilleure au paradis en compagnie de 72 vierges qui l’attendaient les bras ouverts. Mais pour connaître ce bonheur posthume, il lui fallait terrasser l’ennemi.
Ce qu’il fit en plantant son couteau courageusement dans le corps de Dominique Bernard, un professeur désarmé. L’enfant devenu grand fut tué à son tour par un agent du pays de liberté. Mais le « martyr » ne connut aucun bonheur dans la mort et ne vit aucune vierge à l’horizon, ni même un horizon. Il ne faisait que retourner au néant, là où il était avant de naître en Tchéthénie, là où un père croyant avait assemblé les premiers barreaux d’une cage.