C’est en constatant la ferveur que provoquait le visage coloré d’un saint Antoine de Padoue sur les employés cris de la pourvoirie de son père que Marc Alain Tremblay a commencé à s’intéresser à la statuaire de plâtre.
En 10 ans, ce Montréalais a constitué une collection de 1200 statues. Son passe-temps est même devenu «un peu compulsif», a reconnu le collectionneur lors du dévoilement de l’exposition en cours jusqu’au 27 septembre à l’église Saint-Joseph.
Au fil de ses découvertes, M. Tremblay s’est trouvé une passion d’ethnologue. Il a ainsi contribué à remettre au jour une industrie implantée par des familles italiennes, qui ont vécu de la construction de milliers d’églises au 19e et au 20 siècles.
Dernier artisan vivant
Pierre Petrucci est le dernier statuaire vivant de cette lignée d’artisans. Malgré son âge vénérable, 94 ans, il a fait le voyage à Deschambault pour voir revivre un peu de ses souvenirs.
Originaire de Toscane, la famille Petrucci se préparait à s’embarquer pour New York au début des années 1920, mais le peintre Suzor-Côté leur a conseillé d’aller plutôt au Québec. Leur avenir serait assuré sur cette terre catholique, qui avait de grands besoins en statues, a raconté, non sans humour, le nonagénaire.
Artisanat souvent méprisé en comparaison de la sculpture, ses ouvriers ne manquaient pas de travail à remplir les églises et les maisons privées, qui avaient toutes au moins une statue du Christ, de la Vierge ou d’un saint favori.
Puis le pape Jean XXIII a modernisé le culte avec Vatican II. Les statues sont sorties des églises, entraînant le déclin des entreprises. Après avoir misé sur les regroupements, avoir tenté de se convertir à la statuaire profane, il a fallu se résoudre à mettre la clé dans la porte.
L’exposition raconte les grandes étapes de cette industrie à travers les œuvres des familles Carli et Petrucci, notamment.
Sauver ce qui reste
Marc Alain Tremblay rêve maintenant d’un endroit où il pourrait regrouper et préserver les éléments les plus représentatifs de la statuaire religieuse québécoise.
C’est grâce à la rencontre de l’antiquaire à la retraite Jean-Marie T. Du Sault qu’il a amené une partie de sa collection à Deschambault. Une suite pourrait être envisagée l’an prochain.
Mais son travail de collectionneur se poursuit. Il se désole de la fermeture des églises. «De 4000 il y a 100 ans, il en reste 3000 maintenant. Souvent tout ce patrimoine-là s’en va à la poubelle», affirme-t-il au sujet des statues.
Il propose la mise en place d’un processus qui, de concert avec les diocèses et les fabriques, permettrait de sauver les œuvres les plus significatives et les plus belles. D’ici là, M. Tremblay poursuit la recherche d’une chapelle où il pourra regrouper sa collection.