Les kids du Séminaire Sans Français

par Robert Jasmin
Les kids du Séminaire Sans Français

La semaine dernière, je terminais mon billet avec le souhait de voir se développer de la fierté et de la vigilance au bénéfice de notre langue. Ce n’est vraiment pas le cas dans le domaine des sports au Séminaire Saint François (SSF) de Cap Rouge. Il n’y a ni fierté chez certains sportifs, ni vigilance de la part de la direction. La photo du vestiaire des jeunes hockeyeurs parue dans le Journal de Québec le 29 mars était plus qu’éloquente : trois inscriptions unilingues anglaises fouettaient l’ardeur des joueurs en grosses lettres rouges de 30 cm sur  trois murs. Je vous fais grâce des mots d’ordre.

Le directeur Luc Savoie soutient que «ces messages sont beaucoup plus faciles à imager en anglais qu’en français où c’a moins d’impact». Il ajoute que le SSF se conformera à la loi mais que ce sera «au détriment des petits kids». J’aimerais ici faire appel à un expert en la matière : Albert Memmi, celui qui, le premier, s’est penché sur ce problème d’aliénation culturelle dans un livre préfacé par Jean-Paul Sartre, Le portrait du colonisé ( éditions J.J. Pauvert ). Je crois qu’il est important d’en citer quelques passages.

Memmi écrit : la langue maternelle du colonisé, celle qui est nourrie de ses sensations, ses passions et ses rêves, celle dans laquelle se libèrent sa tendresse et ses étonnements, celle enfin qui recèle la plus grande charge affective, celle-là précisément est la moins valorisée. Pour le colonisé, ajoute Memmi,  sa langue n’a aucune dignité. S‘il veut construire sa place, exister dans la cité et dans le monde, il doit d’abord se plier à la langue des autres, celle de ses maîtres…De lui-même, il se met à écarter cette langue maternelle infirme (celle qui a moins d’impact pour employer le terme de monsieur Savoie), celle qu’il faut cacher (et ne pas afficher comme slogan sur les murs).

Quand on n’est à l’aise que dans la langue de l’autre, quand on croit que «ça se dit mieux» dans la langue de l’autre, c’est signe que nous avons profondément intériorisé cette infériorité qui est la caractéristique de tout colonisé. Avec le sentiment d’infériorité, on en vient vite à celui de la gêne, voire de la honte. N’est-ce pas là un sentiment contraire au sentiment de fierté que tout sportif doit éprouver à l’égard de son équipe ? Une  fierté qui doit rejaillir sur le Séminaire ainsi que sur le peuple qui permet au Séminaire d’exister. Or, ce peule a une langue qui, elle aussi, demande sa part de fierté. Même de la part de joueurs d’élite.

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