Une agence de rencontre très recommandable

par Robert Jasmin
Une agence de rencontre très recommandable

Dans l’attente de ma fille occupée à une pratique sportive, je me suis rendu à la porte voisine, à la bibliothèque de Donnacona qui est aussi municipale que scolaire. En entrant j’ai constaté que j’étais le seul » client «. L’heure du souper est une heure creuse comme on le dit dans les commerces. J’ai commencé à errer à travers les rayons de livres, sans but, livré au hasard des titres qui se présentaient devant mes yeux. Il y avait là, comme dans toutes les bibliothèques, de tout pour tous.

Pourquoi s’arrête-t-on devant un titre plutôt qu’un autre ? C’est un peu comme dans une foule : pourquoi arrêter son regard sur un visage plutôt que sur un autre ? Ce jour-là, mes yeux se sont portés sur un livre dont le titre évoquait le poète Arthur Rimbaud. Le nom seul du poète a suffi pour que je tire le volume de l’anonymat et que j’aille m’asseoir pour le consulter. J’ai, pendant une heure, voyagé dans le temps et dans l’espace en compagnie de Rimbaud enfant et adolescent, en France au XIXe siècle. Je ne cherchais personne et j’ai trouvé Rimbaud.

Comme dans une agence de rencontre, les milliers de personnages qui peuplent les milliers de livres sont consentantes à être rencontrés. Ils s’offrent à nous en s’exposant dans leurs mots. À nous de décider si on fait nôtres les idées et les sentiments qu’ils expriment. Mais que ce soit en les acceptant ou en les refusant, dans les deux cas on apprend à mieux se connaître soi-même. Toute rencontre laisse des traces, même celles qu’on ne voit pas sur le coup. Toute bibliothèque est une vaste mémoire dans laquelle on puise pour nourrir la nôtre.

En revenant chez moi et en retrouvant ma propre bibliothèque, j’ai réalisé que je pourrais presqu’écrire ma biographie à partir des titres qui s’y trouvent. Tous ces auteurs, ces autrices, de Ducharme à Yourcenar en passant  par Neruda, Hemingway et tous les autres, ont contribué à faire l’homme que je suis. Je leur dois en grande partie d’avoir appris à lutter et à aimer sans trop commettre d’erreurs. Je clos cette réflexion sur une belle phrase du plus grand écrivain argentin, Jorge Luis Borgès : » Lorsque j’imagine le paradis, c’est une bibliothèque que je vois «.

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Nicole Julien
Nicole Julien
3 mois

Wow une belle façon de découvrir une bibliothèque, étant moi-même bénévole à la bibliothèque municipale de Saint-Marc-des-Carrières, j’apprécie davantage votre texte. Une nouvelle façon de voir les livres