Rémi Rouleau: luthier

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Par Steeve Alain

Rémi Rouleau est luthier. Il fait partie du nombre restreint d’artisans qui fabriquent encore à la main violon, violoncelle et alto. Dans son atelier de la rue des Érables à Neuville, il façonne des instruments qui enchantent les cœurs.

M. Rouleau est originaire de Saint-Pie-de-Bagot en Montérégie. Tout petit, il adorait bricoler, entre autres «des guitares avec des boîtes», se souvient-il. Il a aussi appris très jeune la musique. Il a apprivoisé la guitare, le trombone et le chant.

Étudiant en secondaire 3, il a été attiré par le métier de luthier comme choix de carrière. Il a déménagé à Québec à l’âge de 17 ans pour entreprendre des études collégiales en technique de métiers d’art à l’École nationale de lutherie du Cégep Limoilou. Il croyait qu’il allait y fabriquer des guitares, mais seul le profil violon était offert à ce moment. «J’ai tellement aimé le travail structural du violon que je n’ai finalement jamais fabriqué de guitare», raconte M. Rouleau.

À la fin de ses études, il a offert ses services à tous les ateliers de lutherie du Québec, une dizaine à l’époque. L’artisan dénichera plutôt un travail connexe en ébénesterie, ce qui lui permettra à tout le moins d’outiller un futur atelier.

Il obtiendra aussi un poste d’enseignant suppléant à l’école de lutherie. Il y enseigne encore aujourd’hui. Tandis que son entreprise prenait forme peu à peu, il a  raffiné ses connaissances et ses techniques en ce qui concerne le vernis, la géométrie des instruments et les caractéristiques du bois. Il s’intéressera notamment au bois du Québec et à ses propriétés acoustiques. «Chaque pièce de bois est différente», précise le spécialiste.

Rémi Rouleau obtiendra ses premiers contrats de fabrication de violon en 2003. «Gars de campagne», il déménagera à Neuville pour y établir son atelier en 2009.

Minutie

Donner naissance à un violon nécessite minutie et temps. «Il faut entre 150 et 250 heures pour fabriquer un violon. En moyenne, ça représente entre 175 et 200 heures de travail, selon la complexité du projet», dit le Neuvillois.

Chaque luthier donne en quelque sorte une personnalité à sa création. Il peut entre autres y avoir des différences dans les détails du volume de l’instrument, dont le poids total varie entre 400 et 500 grammes.

L’artisan peut réaliser des violons sur mesure selon une esthétique sonore et une ergonomie propres aux musiciens qui les commandent. Le répertoire de l’artiste entre en ligne de compte. Un soliste utilisera un instrument pouvant produire une musique plus puissante, tandis que la musique de chambre correspond à un son boisé, plus chaleureux. «Il faut s’assurer de fabriquer le bon instrument pour le bon musicien», résume M. Rouleau.

Bois musical

Traditionnellement, le bois d’érable est le plus propice pour le fond, les éclisses et le manche du violon. Selon M. Rouleau, l’érable rouge du Québec donne de bons résultats. Le bois d’épinette (épicéa) est utilisé pour le dessus de l’instrument. «On essaie de rendre ce que le bois est capable de donner de mieux», souligne-t-il.

La pièce de bois ne doit pas présenter de nœuds ni de gerces et être issue d’une croissance régulière et droite de l’arbre. Le bois doit de plus avoir été séché de deux à cinq ans à l’air libre avant d’entrer dans l’atelier.

Il faut dire que le temps nécessaire à la création d’un violon en vaut la chandelle. Un violon d’artisan est vendu entre 6000$ et 15 000$. La moyenne de prix se situe plutôt entre 10 000$ et 12 000$, selon M. Rouleau. L’investissement est intéressant quand on sait que l’instrument peut atteindre 300 à 400 ans d’existence…

Stradivari

Quand on parle violons, difficile de ne pas faire allusion aux «Stradivarius». Fabriqués par le prolifique et talentueux luthier italien Antonio Giacomo Stradivari, né en 1644 et décédé en 1737, ils constituent encore aujourd’hui des instruments exceptionnels. Leurs prix varient de plusieurs centaines de milliers à des millions de dollars. Un alto Stradivarius estimé à 45 millions de dollars a été mis aux enchères récemment.

Le luthier de Neuville soutient que Stradivari a donné une nouvelle forme au violon, faisant la transition du baroque au moderne avec un instrument doté d’une sonorité très puissante adaptée pour des salles de concert plus vastes. Les violons utilisés par les très bons musiciens se sont bien conservés à travers le temps, grâce bien souvent à des mécènes et gens fortunés qui les ont possédés.

Toujours en recherche continue afin d’améliorer ses connaissances, Rémi Rouleau remarque que le métier de luthier a pris du galon au Québec depuis une quinzaine d’années. Soixantaine-cinq luthiers québécois ont été répertoriés l’an dernier. Cinq à sept finissants sortent de l’école de lutherie à chaque année. Le marché demeure toutefois plutôt marginal. Les musiciens professionnels, les étudiants du Conservatoire, des enseignants et des retraités figurent comme clients.

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