Léo Jacobs: histoire d’une réussite

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Par Steeve Alain
Léo Jacobs: histoire d’une réussite

«Si t’aimes pas ça, tu reviendras», lui a lancé son père alors qu’il s’apprêtait à quitter son pays natal en Europe pour le Canada. C’était en 1951. Léo Jacobs ne regrettera pas son choix. Une quarantaine d’années plus tard, il était admis au Temple de la renommée de l’agriculture du Québec pour sa contribution exceptionnelle au secteur agricole d’ici.

Le fondateur de la Ferme Jacobs de Cap-Santé, éleveur réputé de vaches Holstein pur-sang, est né à Helden, dans la province de Limburg, en Hollande. Le pays sera ravagé par la Seconde Guerre mondiale durant sa jeunesse.

«L’économie était à terre. C’était dur chez nous après la guerre», se rappelle M. Jacobs. Ce sont des annonces du gouvernement canadien invitant les Européens à s’installer au Canada le mèneront, à l’âge de 24 ans, à franchir l’Atlantique vers l’ouest. Il sera accompagné de son épouse Nellie Kersten, avec qui il s’est marié seulement quatre jours avant la traversée. Elle était prête elle aussi à relever le défi d’une nouvelle vie.

Arrivée dans Portneuf

Les deux Néerlandais sont débarqués à Halifax en novembre 1951 et ont pris la route de Portneuf. Les débuts ont été difficiles. «On ne connaissait pas la langue, on ne connaissait personne. J’avais 100$ dans les poches», se souvient M. Jacobs, qui avait étudié l’agriculture à Helden.

L’homme travaillera d’abord sur une ferme laitière à Deschambault durant deux années. Il connaissait la race Holstein, un bétail originaire de Hollande. Il étudiera le climat, les sols et les cultures du Canada pour apprendre l’agriculture de son nouveau pays.

Après s’être initié à la langue française, Léo Jacobs trouvera un emploi dans une ferme laitière en Ontario afin de se familiariser avec la langue de Shakespeare. «C’était pour voir les différences en agriculture, mieux connaître le pays et il était important aussi de parler anglais», souligne-t-il. L’expérience ontarienne pour le couple durera trois ans.

De retour dans Portneuf, M. Jacobs travaillera dans une ferme laitière à Saint-Raymond durant cinq ans, avant d’acheter sa propre ferme dans le rang Saint-François à Cap-Santé, en 1965, ferme qui est toujours aujourd’hui propriété de la famille.

«La ferme comptait 59 bêtes, dont 36 vaches laitières. Il s’agissait d’un troupeau moyen», signale l’agriculteur. Son objectif à long terme était de monter un bon troupeau au niveau de la production de lait et de la conformation des sujets. Il n’y avait pas beaucoup de vaches Holstein pur-sang dans la région à l’époque.

Pour atteindre ses buts, Léo Jacobs savait qu’il faudrait beaucoup d’années de développement. «Ça prend plus qu’une vie d’une personne. Il faut de bons croisements et ça ne marche pas tout le temps», rappelle-t-il.

Soutenu par son épouse mère de sept enfants, il réussira au fil des ans à faire croître l’entreprise pour en faire un modèle reconnu internationalement.

Innovateur

Avant-gardiste, il utilisera le transfert embryonnaire dans son troupeau. Il en fera la promotion chez les éleveurs de tous les coins de la planète afin de les inciter à l’amélioration génétique.

Homme affable et passionné par l’agriculture, il sera président du Club Holstein de Portneuf de 1968 à 1978, président de la Société d’agriculture de Portneuf de 1974 à 1986, président de Holstein Québec et directeur national de Holstein Canada.

La participation aux expositions deviendra pour la Ferme une activité incontournable «On s’est fait connaître», dit M. Jacobs. Ses vaches seront présentées à une première exposition agricole en 1967 à Montmagny.

Léo Jacobs est aussi le président fondateur de l’Exposition agricole de Portneuf en 1980. Il récoltera une première bannière à cet événement quelques années plus tard. Depuis, les réussites se sont multipliées et les bannières tapissent de façon impressionnante les murs du bureau de l’entreprise.

Au cours des trois dernières années, le troupeau de Cap-Santé a accaparé les plus hautes distinctions notamment à la grande exposition de Madison aux États-Unis.

Des taureaux et femelles Jacobs se retrouvent dans des dizaines de pays. Des embryons ont été vendus à des éleveurs en Suisse, en Australie, en Nouvelle-Zélande, au Japon, en Allemagne et en France entre autres. Une exposition en Suisse a attribué deux premiers prix à des vaches Jacobs récemment.

Éleveur émérite

En 1983, la Ferme Jacobs remportait la médaille de bronze du Mérite agricole du MAPAQ, en 1988, la Médaille d’argent et en 1993, la médaille d’or, devenant la seule à avoir accompli cet exploit. En 1984, Léo Jacobs a aussi obtenu le titre de Maître-Éleveur, la plus haute distinction décernée par Holstein Canada.

Sa contribution au secteur agricole fut reconnue par les plus hautes instances alors qu’il sera admis au Temple de la renommée de l’agriculture du Québec en 1995. Il obtiendra également la Médaille du Jubilé de la reine en 2002.

Reconnaissance internationale

La Ferme Jacobs ouvre ses portes aux agriculteurs des autres pays depuis de nombreuses années. Des milliers de visiteurs ont constaté l’expertise et bénéficié des conseils des membres de la famille Jacobs.

Des 59 bêtes en 1965, l’entreprise en compte aujourd’hui 550. L’acquisition d’une ferme voisine récemment porte le total à plus de 750 bêtes. «En 1965, une vache donnait 3600 litres de lait, aujourd’hui, c’est 11 000 litres», compare Léo Jacobs. La Ferme dispose de plus de 1000 arpents de terre, comparativement à 165 à l’achat.

M. Jacobs occupe toujours la présidence de l’entreprise. Il est toujours présent sur la ferme. Son fils Jean et sa conjointe Marianne ainsi que ses petits-enfants et leur conjoint, Yan, Véronique, Ysabel et Taylor ont pris sa relève à la direction des opérations. Au total, près d’une dizaine de personnes travaillent dans la Ferme.

Ce dont M. Jacobs est aujourd’hui le plus fier: la continuité de son oeuvre par ses enfants. «J’ai été chanceux. J’ai commencé avec rien. Si ça s’était arrêté là, ça n’aurait pas donné grand chose. C’est plus important qu’un million», affirme-t-il.

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