Le fromage fin piétiné par le bœuf de l’Ouest?

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Par Steeve Alain
Le fromage fin piétiné par le bœuf de l’Ouest?

L’équation est simple et catastrophique pour Louis Arsenault: le gouvernement fédéral a sacrifié les fromages fins québécois pour le bœuf de l’Ouest canadien dans l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne.

Copropriétaire de la Fromagerie des Grondines et président de l’Association des fromagers artisans du Québec, Louis Arsenault soutient que les 17 500 tonnes supplémentaires de fromages européens – faisant passer le total à 32 000 tonnes – qui entreront au pays suite à l’entente ne laisseront plus de place pour les fromagers artisans d’ici.

Des 17 500 tonnes additionnelles, 16 000 tonnes seront des fromages fins, ce qui représente l’équivalent de 1000 fromageries fermières de plus «comme la nôtre» qui vont envahir principalement le Québec, 30% du marché actuel, selon M. Arsenault.

«En 2007, les gens du MAPAQ disaient que le marché des fromages fins du Québec était saturé avec les 40 fromageries fermières existantes. Le marché a continué à évoluer, mais pas comme le Fédéral le dit. La croissance est anémique», dit le fromager.

«Ce qui m’exaspère le plus, c’est que la croissance aussi petite soit-elle, nous l’avons acquise par notre travail, par des dégustations et autres activités. Voilà que tout cela sera remis sur un plateau d’argent aux Européens», dénonce-t-il.

M. Arsenault affirme aussi que la compétition sera déloyale avec les fromagers européens qui bénéficient de subventions. «Le prix à l’arrivée au port canadien du fromage d’Europe est de 10$ le kilo. Il nous en coûte entre 14$ et 17$ ici pour le produire», déplore le fromager artisan, soulignant que les normes de production au Québec sont les plus contraignantes au monde.

«Nous [les fromageries artisanales] générons en moyenne 8 emplois par entreprise, nous occupons le territoire à la grandeur du Québec, nous mettons en valeur le terroir. Nous ne recevons aucune subvention et malgré les industriels qui font de l’importation ainsi que de la reproduction artisanale, nous sommes rentables», plaide le président d’Association.

Selon M. Arsenault, le gouvernement fédéral doit supporter le secteur immédiatement pour assurer que les fromageries artisanales soient en mesure de confronter «cette compétition qui est surdimensionnée, sur-subventionnée et sous-normée par rapport à nous».

Compensations

Le gouvernement fédéral conservateur s’est engagé à verser des compensations aux producteurs de lait et de fromages qui subiront des pertes en raison de l’accord de libre-échange. M. Arsenault craint toutefois que le gouvernement fédéral attende de voir les fromagers en faillite avant d’intervenir.

M. Arsenault se réjouit cependant du soutien de l’UPA, des producteurs laitiers et du gouvernement du Québec qui exige de connaître le programme de compensations avant d’appuyer l’accord.

Le ministre québécois de l’Agriculture, François Gendron, de passage dans Portneuf le 17 novembre, a dit dans son langage coloré que son gouvernement allait être «à l’écoute des fromagers à mort» dans ce dossier.

«M. Harper a fait la promesse à la première ministre du Québec qu’il y aurait des mesures de compensation structurantes. On ne signera pas [l’accord de libre-échange] s’il n’y a pas de précision au sujet des mesures structurantes annoncées», a assuré le vice-premier ministre.

«J’espère que les mesures compensatoires promises seront à la hauteur de la qualité de nos fromages et du travail des artisans fromagers du Québec», conclut Louis Arsenault.

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