L’exilé, le comte et le député 4. Minou de mon enfance

Photo de Denise Paquin
Par Denise Paquin

4. Minou de mon enfance Résumé : Reçus par le comte Pierre Trayer de Druisy pour un premier repas du mardi soir, nous attendons l’arrivée d’une autre invitée avant de passer à table. La dame en noir descendit répondre à la porte. Elle remonta, précédée d’une belle jeune fille souriante de 20 ans, blonde, les cheveux attachés derrière la tête en queue de cheval. La jeune fille alla embrasser le comte et la comtesse et se tourna vers nous en nous tendant la main. La dame en noir dit simplement : « Je vous présente ma fille, Minou Drouet ! » Je restai bouche bée, sans mot. J’ai senti le besoin de m’expliquer. Adolescent, j’entendais souvent ma mère parler de la petite Minou Drouet à mes jeunes frères et soeurs en la proposant en exemple. Elle découpait des articles et des photos de Paris Match pour nous montrer le petit phénomène dont on venait de publier les poèmes et d’autres textes dans une grande maison d’édition. Et voila qu’elle était devant moi, simple et sans prétention aucune, en s’excusant auprès du comte, son parrain, d’avoir été retardée à l’hôpital où elle travaillait comme infirmière. À table, monsieur le comte découpa avec fierté le rôti en tenant ostensiblement le couteau électrique rapporté du Québec, objet rare à l’époque. Il disposa les belles tranches de boeuf dans un grand plat d’argent où elles baignaient dans leur jus. Le grand plat circulait ensuite d’un convive à l’autre. Lorsqu’il arriva devant moi, galant, je voulus servir Minou Drouet assise juste à ma gauche. Au bout de mes doigts, les fourchettes de service prirent la place l’une de l’autre faisant ainsi pirouetter la tranche de viande qui tomba à plat sur la jupe blanche de Minou. Pour diminuer mon malaise, elle prit le morceau de rôti du bout des doigts et le mit dans son assiette avec un sourire. Un tel souvenir est comme une tache qui ne s’efface jamais. Le repas, ainsi que tous les autres qui suivirent, se passa en compagnie des mêmes personnes et avec comme sujet presqu’unique, le monde félin de Paris. D’un mardi à l’autre, on avait les dernières nouvelles du chat de madame, une telle gravement malade ou d’un autre qui venait de décrocher un prix au dernier salon félin. Ainsi vivait-on l’espace de quelques heures, loin des tourments du monde réel des humains. Celui-ci allait vite nous rattraper. La semaine prochaine : La fin de l’histoire.

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