Dans le cadre des chroniques d’été, je vous offre des extraits de livres divers (et pas nécessairement d’hiver). Cette semaine, ce sont des citations tirées du dernier recueil des carnets de l’acteur et écrivain Robert Lalonde, On est de son enfance, ( Boréal, 2024 ).
— Quand il arrive qu’on me demande conseil, je déclare sans ambages : — Écrivez tout, écrivez n’importe quoi, jusqu’à ce que quelque chose de sensible et d’inexplicablement remuant surgisse. Puis arrêtez-vous, allez marcher, nettoyer le salon ou faites-vous cuire une omelette. Ne réfléchissez surtout pas !
— On ne commence pas à écrire, on n’écrit pas, on cesse d’écrire, on n’écrira jamais plus si l’appréhension de ce que les autres pourraient penser de nos phrases nous taraude comme nuée de frelons.
— Entre lâcher prise et tenir bon, aimer follement et prendre garde à ne pas tout donner, se cramponner ou laisser passer, nous oscillons comme roseaux au vent. Comment diable nous sommes-nous fourrés dans pareil pétrin…?
— On me demande à répétition : « Écrivez-vous toujours ? » « Et vous, respirez-vous toujours ? « répondrais-je, s’il n’était pas malpoli de répondre à une question par une question.
— J’écris pour durer dans l’attention sans défaillir. J’écris pour refouler le destructibilié de la beauté, donner l’hospitalité au désir fugace. J’écris parce que d’autres l’ont fait avant moi, qui m’ont légué la passion du vocabulaire et le courage d’oser m’en servir à ma guise. J’écris parce que je crains de n’avoir plus rien à dire aux autres, à celles et ceux que j’aime et sans doute aussi à moi-même. J’écris parce que j’ai commencé de la faire et qu’il est tout aussi difficile d’arrêter que de continuer.
— Il n’y a pas de destinées : nos trajectoires sont faites de beaux et terribles accidents, de fulgurantes épiphanies, de pervers coups du sort. Et puis, nous vivons sous la férule de fous qui saccagent notre monde, faiblement éclairés par des visionnaires auxquels nous n’emboîtons le pas — quand nous osons le faire — que lorsqu’ils ont depuis longtemps disparus.