Avoir la petite aiguille mal alignée

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Par Nicolas Gaudreault
Avoir la petite aiguille mal alignée

Il est 2h du matin. La nuit a bien déjà étendu son voile. Les étoiles chuchotent et les branches des arbres crissent sous les rafales qu’amène le vent. Certains fêtards sont toujours debout, ou du moins de peine et de misère en se tenant après le cadre de porte d’un bar de quartier. Certains travailleurs assument leur quart de nuit, ayant la moitié du cerveau endormi. Mais la plupart des gens, m’incluant là-dedans, ont déjà nidifié leurs couvertures et oreillers afin d’en faire l’un de ses cocons des plus confortables.

Il est 6h du matin. Le ciel s’ouvre les jambes et donne doucement naissance au soleil, contraction par contraction. J’ouvre les yeux sous l’effet de la lumière qui traverse mes rideaux, comme si le Christ se ressuscitait à nouveau et qu’il devait me réveiller abruptement. Mais pourquoi suis-je autant allumé pour cette heure? Les oiseaux n’ont même pas encore osé gazouiller leurs chants en Fa majeur que me voilà prêt à attaquer la journée à coup d’uppercuts. C’est donc à ce moment que je me lève et que je m’apprête à me faire mes deux œufs tournés-coulants ( il faut précisément les tournés environ 10 secondes sur la poêlonne et ensuite les retirer rapidement pour avoir l’effet escompté, soit coulant). Je mets mon chrono et j’attends. J’ai le temps de me perdre dans une pensée assez saugrenue où je m’imagine m’arborer d’un chapeau de poil de vison de l’Atlantique pour l’hiver qui appro-. Je me fais interrompre dans mon monologue interne par l’heure du four qui n’est pas la même que sur mon cellulaire. Je comprends rapidement que j’ai gagné une heure de sommeil au détriment d’une heure de pure sérotonine de soleil le soir. Ouin.

Il est midi. Je fais mes recherches et je vois que le premier ministre Legault, soit notre préféré, notre chouchou, et son équipe remettent en question le changement d’heure au Québec pour les années à venir. Pour une fois qu’il a une bonne idée notre bon vieux pote! Même si bon nombre s’y opposent, je ne vois que des avantages à abolir cette pratique. Premièrement, notre cycle de sommeil ne serait plus déréglé et nous serions plus productifs. Deuxièmement, cela favoriserait l’économie. Qui veut vraiment sortir de chez eux le soir lorsque le soleil se couche avant la fin des Feux de l’amour? Certainement pas moi. La seule raison serait s’il y avait un bon deal de semaine au resto (les gens en marketing, la balle est dans votre camp). Troisièmement, pourquoi se casser le bicycle lorsqu’il roule encore comme s’il était neuf?

Il est 16h40, l’heure des au revoir. J’enfile mes genouillères et je fais mes adieux au soleil en le vénérant le temps de ses dernières minutes de lumière aux tons orangés qui ensorcellent et apaisent l’être. Je lève les bras en l’air et je me courbe vers l’avant, orienté vers le soleil. J’inspire tranquillement et j’expire, en relâchant un léger son aigu de détresse intérieure qui retentit comme un fourmillement de jeune fillette bien craintive. Je sais que les prochains jours deviendront de plus en plus sombres, mais je me réjouis en me rappelant la magie des fêtes qui approche et les nombreuses décorations qui illumineront les esprits et les maisons des alentours.

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