Feu de forge, feu sacré

Photo de Johanne Martin
Par Johanne Martin
Feu de forge, feu sacré
Parti de rien, Rémy Bélanger a dû tout apprendre du métier de forgeron. – Photo offerte par Johanne Martin

Aujourd’hui, rares sont ceux qui chauffent, plient, étirent et martèlent le fer comme le faisaient nos ancêtres. Les biceps de Rémy Bélanger parlent d’eux-mêmes. Forgeron autodidacte, ces muscles, le Neuvillois les a développés un coup de marteau à la fois, de la même manière que toutes les techniques qu’il a acquises par essais et erreurs.     

C’est en forgeant qu’on devient forgeron. Pour l’homme qui ne manque pas d’originalité, le proverbe bien connu prend tout son sens. Parti de rien, il lui a fallu tout apprendre du métier. L’artisan se fait d’ailleurs une fierté de travailler avec des outils traditionnels. Devant le feu qui rougit les pièces de métal, sa vieille enclume en témoigne. De vraies petites merveilles franchissent maintenant la porte de l’Atelier Machefer, sa shop, comme il se plaît à l’appeler.

Machefer : un mot qui désigne le résidu issu de la combustion du charbon – on le considère également comme un synonyme de limaille –, mais aussi et surtout une aventure qui s’est amorcée il y a 26 ans à L’Ancienne-Lorette et qui se poursuit depuis 1998 à Neuville, dans un bâtiment que le forgeron a lui-même aménagé à deux pas de sa résidence de la route Gravel. Une shop qui lui servait à ses débuts d’atelier de réparation… de chariots d’épicerie !

« Un jour, je me suis demandé ce que je pourrais faire pour les particuliers. Avec une simple plieuse, j’ai conçu ma première pièce ornementale. Par la suite, en 2002, m’est venue l’idée de la forge. Je ne connaissais absolument rien au métier. Je me suis tourné vers un forgeron d’expérience pour qu’il me montre comment allumer mon feu. Puis je me suis lancé et j’ai fait un paquet d’erreurs », raconte celui qui détient, à la base, une formation en électronique.

Des pièces inusitées

Si Rémy Bélanger confirme garder peu d’articles à vendre dans son atelier – il fabrique des objets selon les désirs de chaque client –, le décor en dit cependant long sur le personnage. Dans un cadre en fer disposé à proximité de l’entrée, on remarque l’inscription Défense de blasphémer. « Ici, il y a juste moi qui ai le droit ! », justifie l’homme qui, sur le mur adjacent, a placé une horloge de sa conception encastrée dans le chiffre 666 et qui tourne à l’envers…

« Je réalise toutes sortes d’affaires bizarres !, confirme-t-il. Un client m’a déjà demandé un lustre en forme d’hélice d’avion. Pour m’inspirer, je suis allé prendre des photos à l’aéroport. Quelqu’un d’autre m’a récemment commandé un ressort pour un siège en forme d’épingle à linge. Aussi, j’attends actuellement une réponse pour un banc en aiguise-crayon. Sur cette pièce, j’aurais à façonner la vis et le couteau. Je suis ouvert à tout : il faut que je mange ! »

Autrement, l’artisan du fer donne également dans le plus traditionnel et crée des enseignes, des accessoires de foyer et de maison, des jardinières, de même que des articles ouvragés plus volumineux tels des escaliers, clôtures, rampes, portails et garde-corps. Au nombre de ses clients réguliers figure une grande chaîne québécoise de quincailleries. Partout sur le territoire, la bannière emploie les supports de l’Atelier Machefer pour ses rouleaux de tapis.

Trophée et corbillard

« Je ne fabrique plus de pièces d’avance, précise Rémy Bélanger. Au départ, je mettais des articles en consignation dans certains commerces, mais c’était contreproductif. Maintenant, je ne fonctionne que sur commande. Depuis quelques années, je suis aussi confronté à des problèmes d’approvisionnement. Je dois aller à Trois-Rivières pour me procurer mon métal. Je suis forgeron par goût, mais je n’aurais pas choisi ce métier si j’avais voulu être riche ! »

Sur sa table de travail, le Neuvillois montre le trophée qui sera remis lors du Festi-Volant de Grandes-Piles prévu à la mi-mars. L’artisan mentionne qu’il a le mandat, depuis une dizaine d’années, d’élaborer l’œuvre exclusive que reçoit habituellement l’un des maires de la MRC de Mékinac lors de la compétition annuelle de cerfs-volants. Plus loin trône la reproduction en fer forgé de l’horloge qui apparaît sur une peinture très célèbre de l’artiste Salvador Dali.

Dans ce dernier cas, la création a été exposée au Moulin Marcoux et à d’autres endroits. À propos des lieux où ses pièces ont été vues, Rémy Bélanger se souvient avoir déjà participé au Symposium Eaux en Couleurs de Rivière-à-Pierre. « À l’époque, je m’étais présenté avec mon corbillard. Je ne l’ai plus aujourd’hui, mais c’est un véhicule avec lequel je me déplaçais parfois chez les clients. Il y avait même un cercueil à l’intérieur ! », ajoute-t-il pour l’anecdote.

 

L’artisan de Neuville travaille avec des outils traditionnels : il martèle sur une vieille enclume. – Johanne Martin

 

Difficile de ne pas apercevoir, dans l’atelier, cette horloge encastrée dans le chiffre 666 et qui tourne à l’envers. – Johanne Martin

 

Une reproduction en fer forgé de l’horloge qui figure sur une œuvre bien connue de Salvador Dali. – Johanne Martin

 

Depuis une dizaine d’années, Rémy Bélanger conçoit le trophée remis lors du Festi-Volant de Grandes-Piles. » – Johanne Martin

 

Sur l’étiquette de ce chandelier, on peut lire : « Forgé délicatement… à grands coups d’marteau. » – Johanne Martin
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