Des sentiers… pour avancer aussi à l’intérieur de soi

Photo de Johanne Martin
Par Johanne Martin
Des sentiers… pour avancer aussi à l’intérieur de soi
Depuis 2002, plus de 75 % des quelque 275 jeunes qui ont participé au programme En marche ont réintégré le marché du travail ou sont retournés aux études de façon plutôt stable. Photo - Claude Côté

L’initiative En marche déployée par la coopérative de solidarité Vallée Bras-du-Nord ne consiste pas qu’à construire et à entretenir des sentiers pédestres et de vélo de montagne. Pour les jeunes de 16 à 30 ans qui y participent, il s’agit aussi de parcourir un bout de chemin à l’intérieur de soi. Frank Fiset Beaumont est un jour passé par là.

Il y a neuf ans, Frank a amorcé une dé­marche de réinsertion. Aux prises avec certaines difficultés – dont des pro­blèmes de consommation –, il était à la recherche d’une orientation à donner à son existence. De son propre aveu, « pas grand-chose ne fonctionnait dans la vie ». Il avait alors abandonné l’école, enfilait les petits boulots… Originaire de la réserve d’Obedjiwan en Mauricie, le jeune Atikamekw, déjà, avait connu une enfance assez instable.

« À partir de l’âge de six ou sept ans, j’ai fait du centre d’accueil, mais ça a été positif, parce qu’il fallait que je sorte de mon milieu familial. J’ai fait des familles d’accueil aussi. J’ai été déplacé plusieurs fois quand j’étais jeune; je n’avais pas une vie stable et je me cherchais tou­jours comme personne, raconte-t-il. À un moment donné, je suis arrivé à Saint-Raymond chez mes grands-pa­rents et c’est durant cette période que je me suis inscrit à En marche. »

Une expérience exigeante et formatrice

Frank est fier d’avoir participé à la construction de sentiers en même temps qu’à la reconstruction de sa vie personnelle. Photo – Philippe Jobin

Frank admet que l’expérience n’a pas été de tout repos. « Faire des sen­tiers de vélo à la pelle et à la chaudière, puis trimballer des roches, c’est très exigeant. Au début, il a fallu que je me donne une discipline, que je me couche plus tôt. Les journées étaient dures, alors le soir, quand je revenais, j’étais fatigué. J’avoue que parfois, ça ne me tentait pas et que j’ai pensé abandonner. L’emploi a été particulièrement difficile physiquement et mentalement. »

En dépit de tous les défis, Frank per­sévère. Pendant six mois, il sort de sa zone de confort, apprend à prendre soin de lui, gagne en estime de soi et en maturité. La force du groupe l’aide également. Il retirera énormément du travail en équipe, où le respect s’impose malgré les différences de chacun. Au cours du programme, un séjour de canot-camping lui permet de réaliser la chance qu’il a de vivre en société et de pouvoir profiter de tous ses avantages.

Retour aux études… et aux sources

À 29 ans aujourd’hui, après son passage à la Vallée Bras-du-Nord, l’ex-participant à En marche est parvenu à compléter ses études secondaires. L’an dernier, il a aussi obtenu un DEC en Technologie du génie physique du Cégep de La Pocatière et occupe un poste dans la même entreprise depuis le début de sa formation collégiale. « J’ai acquis un bon bagage dans les sentiers et il me semble que tout a été beaucoup plus facile ensuite ! », confie-t-il.

S’il est fier d’avoir contribué à ce chantier de construction de pistes et de reconstruction de sa vie person­nelle, Frank Fiset Beaumont en retient un fort sentiment d’accomplissement. Maintenant, il souhaite créer des ponts avec la communauté d’Obedjiwan pour connaître la culture de son peuple. Il éprouve en outre une immense re­connaissance à l’égard du conseil de bande qui l’a soutenu financièrement durant ses études et voudrait redonner au suivant.

Se fixer des objectifs et les réaliser

« Il y a beaucoup de gens qui sont malheureux parce qu’ils n’ont pas tout ce qu’ils veulent, mais est-ce qu’ils ont fait réellement tous les efforts? Dans la vie, ton bonheur, tu te le bâtis, philo­sophe celui qui se montre satisfait du chemin parcouru. L’important, c’est de se fixer des objectifs, de tout faire pour les atteindre et de persévérer jusqu’au bout. La vie, ce n’est pas seulement de rêver, c’est d’accomplir. Si tu ne bouges pas, il n’y a rien qui va bouger. »

Pour les jeunes de 16 à 30 ans qui y participent, il s’agit aussi de parcourir un bout de chemin à l’intérieur de soi. Photo – Philippe Jobin
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