L’Heure H: un conteur sur les traces d’un soldat de Saint-Casimir

Photo de Denise Paquin
Par Denise Paquin
L’Heure H: un conteur sur les traces d’un soldat de Saint-Casimir
Le conteur Nicolas F. Paquin convie chaque soir le public à fouiller l’histoire de Jean-Charles Labrecque, soldat de Saint-Casimir mort en mission. Photo – Justine Lévesque

Un rendez-vous, c’est souvent la joie d’une rencontre. Confinement oblige, il y en eu a bien peu depuis le 9 janvier, hormis celui à la clinique de dépistage… Pour égayer les soirées, le conteur Nicolas F. Paquin a fixé le sien, virtuel. Quand 20h sonne, «L’heure H» commence.

Depuis l’imposition du couvre-feu, tous les soirs, à 20h, le conteur originaire de Saint-Casimir ouvre sa page Facebook au public. Pendant une demi-heure, il l’invite à remonter le temps pour découvrir, et enrichir, l’histoire d’un compatriote, Jean-Charles Labrecque. Ce jeune soldat est mort à 20 ans, en 1944, avec sept compagnons d’armes dans l’écrasement de son bombardier en Angleterre.

Il y a un an exactement, Nicolas F. Paquin s’apprêtait à amorcer la tournée de ses «Contes de guerre». Ce passionné d’histoire, en particulier de la Deuxième Guerre mondiale, a construit son spectacle grâce, entre autres, aux témoignages de gens qui l’ont vécue.

Puis la COVID est arrivée…

«J’ai vu que les gens commençaient à angoisser. Moi-même, je l’ai senti. Quand est-ce que j’allais voir mon public ?» raconte, au bout du fil, l’homme qui demeure à Saint-Roch-des-Aulnaies, dans le Bas-du-Fleuve.

À défaut de monter sur scène, l’artiste qui a le conte dans le sang (René Genest, alias Pit Cantouk, est un petit-cousin) s’est remis au travail. L’imposition d’un couvre-feu lui a inspiré l’idée d’associer le public à son processus de création. Chaque soir, en direct, les gens peuvent le voir cogiter et faire avancer son nouveau «Conte de guerre» sur Jean-Charles Labrecque.

«Je ne m’attendais pas à cet intérêt et à ce que les gens participent comme ça. Je suscite une habituation. Les gens sont très touchés par le destin de Jean-Charles», révèle-t-il enchanté par le succès de son rendez-vous.

Ce qu’il nomme sa résidence en «créa-réalité» attire un large public : des experts en recherche, des enfants de vétérans, des gens simplement intéressés par sa démarche.

Lien avec Alain Grandbois

Le conteur se nourrit de leur apport pour enrichir son ouvrage. Il lance aussi de nouvelles pistes. Par exemple, il a établi des liens entre Labrecque et le poète Alain Grandbois. «Je veux arrimer son destin avec l’un des plus grands poètes du Québec», explique-t-il. «Même s’ils ont 15 ans de différence, ils se sont probablement croisés puisqu’ils étaient presque voisins à Saint-Casimir», ajoute-t-il.

L’auteur plonge aussi dans le recueil «Les Îles de la Nuit», œuvre phare du poète, publié en 1944, année de la mort de Labrecque. «Sa poésie est très céleste, mais il y a un rapport à la mort assez angoissant», note-t-il.

Il aborde également l’histoire des sept compagnons de Labrecque qui sont morts avec lui dans le bombardier Halifax, dont la mission de bombardement sur la ligne de front de l’Allemagne nazie s’est achevée brutalement, en pleine nuit, sur un petit village anglais.

«Il y a plein de filons à exploiter», dit Nicolas F. Paquin au sujet de cette «folle» expérience qu’il espère à la fois stimulante et apaisante pour les spectateurs.

Aider en temps de confinement

Lui-même veut rendre hommage à un jeune homme mort trop jeune, comme des centaines d’autres Québécois à l’époque. Il souhaite aussi faire découvrir cette période et la mettre en contexte par rapport aux sacrifices imposés par la pandémie actuelle. Enfin, il espère apporter un peu de réconfort aux gens en les aidant à oublier, un moment, le couvre-feu et leur confinement obligatoires.

«Je travaille l’empathie. La dynamique de l’époque a des échos aujourd’hui. Les gens ont la curiosité de comprendre un bout du sens de la vie qu’on a oublié, comme la souffrance de la perte d’un proche. C’est important d’avoir ces repères-là», affirme Nicolas F. Paquin, ajoutant «qu’à la guerre 39-45, ce sont les jeunes qui mouraient».

Le conteur espère, enfin, qu’au 8 février il aura été capable de bâtir tout le texte de son nouveau conte. Sinon, il maintiendra son rendez-vous…

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