Permettez-moi, en ce début d’année, de vous livrer des extraits d’un discours prononcé par un grand écrivain, le 1er janvier :
«Nous vivons dans un environnement moral contaminé […] Nous avons appris à nous ignorer les uns les autres, à ne veiller sur personne sauf sur nous-mêmes. Des concepts tels que l’amour, l’amitié, la compassion, l’humilité ou le pardon ont perdu leur sens et leur dimension et, pour nombre d’entre nous, ne représentent plus que des singularités psychologiques ou des sentiments au demeurant quelque peu ridicules à l’ère des ordinateurs et des engins spatiaux. Rares sont ceux qui, parmi nous, sont capables de crier haut et fort que les pouvoirs ne devraient pas être tout-puissants […]»
«Le système a réduit un peuple doué et autonome, ayant les capacités de travailler pour son pays, à n’être que les composantes insignifiantes d’une énorme machine bruyante et nauséabonde, dont la raison d’être n’est claire pour personne […] Lorsque je parle d’une atmosphère moralement contaminée, je parle de nous tous. Nous nous sommes tous habitués à ce système et nous l’avons accepté comme un fait établi et, de ce fait, nous avons contribué à le voir perdurer […] Je rêve d’une république dans laquelle les personnes vivent en harmonie, car, sans cela, il est impossible de résoudre les problèmes, et ce, quels qu’ils soient: humains, économiques, écologiques, sociaux ou politiques.»
Voilà pour la citation.
Ces propos auraient pu être tenus par un écrivain américain parlant de la réalité de son pays sous la férule de Trump, mais ce n’est pas le cas. Ce discours est celui de Vaclav Havel, dramaturge tchécoslovaque, prononcé le 1er janvier 1990, il y a presque trente ans, alors qu’il prenait ses fonctions de président de la République après avoir été élu à la suite de l’implosion du système soviétique. Havel décrivait la société dont il héritait.
Étrange retour des choses et justesse des mots qui pourraient s’appliquer aujourd’hui au système mis en place par l’adorateur américain de Poutine. Un système qui flirte dangereusement avec le totalitarisme et qui inspire et donne le feu vert à des dirigeants de pays comme le Brésil, les Philippines, la Hongrie et bien d’autres.
Mais il y a de quoi espérer: il semble que le vent tourne et que les nouveaux élus assermentés la semaine dernière auront peut-être la tête de l’idiot qui leur tient lieu de président. Son départ prochain ferait de 2019 un grand millésime de moralité. Qui sait? Les Américains auront peut-être aussi un ou une Vaclav Havel.