Le bon et le mauvais: 1. D’une peine à l’autre

Photo de Denise Paquin
Par Denise Paquin

J’étais à l’école primaire lorsque j’ai entendu parler de la peine de mort pour la première fois. Tout le monde en discutait autour de moi, adultes comme enfants. Et pour cause : le père d’un enfant de l’école, l’aubergiste du village, était accusé de meurtre au premier degré. Il avait tué un militaire avec un revolver dans son auberge. C’était peu de temps après la guerre, les militaires étaient très appréciés alors le sort de l’aubergiste était scellé aux yeux de tous : il était déjà jugé coupable et tous le voyaient déjà pendu. C’est mon père, alors jeune avocat, qui prit la défense de l’accusé. Malgré l’absence de témoins, avec une preuve balistique, il réussit à convaincre le tribunal que l’accusé avait agi en légitime défense. L’aubergiste fut acquitté. La possible pendaison de cet homme ne m’avait pas quitté pour autant. Quelques années plus tard, en route vers le collège, je passai devant la prison de Bordeaux comme chaque jour mais ce matin-là, au grand mat de la prison, flottait un drapeau en berne : un homme avait été pendu à l’aube. Troublé, j’ai reparlé de la peine de mort avec mon père. Il m’a confié qu’il avait toujours été contre ce qu’il qualifiait de geste barbare de la part d’une société qui se prétendait civilisée. Mais je me suis toujours souvenu de la raison principale de son opposition : dans tout criminel, il y a du mauvais et du bon et en lui enlevant la vie, on fait disparaître les deux. J’ai fait mienne son idée. La lecture des textes d’Albert Camus et d’Arthur Koestler sur le sujet m’ont conforté dans ma conviction. Ils sont toujours valables et nécessaires car il se trouvera toujours des gens favorables à la loi du Talion. Depuis l’abolition de la peine de mort chez nous, notre société a pris la voie de la réhabilitation des criminels. Ce choix implique que toute peine d’emprisonnement doit pouvoir prendre fin un jour si, bien sûr, le criminel ne constitue plus un danger pour la société. Mais il faut croire que certains ne partagent pas cette idéologie de la rédemption par la réhabilitation. Le gouvernement Harper l’a démontré en légiférant sur le cumul des peines qui peuvent être imposées de manière consécutive pour chaque meurtre. L’actualité nous en donne un exemple : Alexandre Bissonnette pourrait être condamné à 150 ans de prison. L’équivalent d’une peine de mort en prison. La semaine prochaine : Jeter le bébé avec l’eau du bain.  

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