Demain les enfants! (1)

Photo de Denise Paquin
Par Denise Paquin

1. Ce n’était qu’un début Il y a cinquante ans ce mois-ci, plus précisément le 15 mars 1968, je revenais de mes cours à l’Université de Paris et je lisais le journal Le Monde dans le métro. Pierre Viansson-Ponté y écrivait dans son éditorial : «La France s’ennuie.» La suite des événements allait rendre cette phrase célèbre. Une semaine plus tard, le 22 mars, quelque 700 étudiants décidaient d’occuper les locaux de la direction de la Faculté de Nanterre suite à l’arrestation de leurs camarades qui avaient participé à une manifestation contre la guerre au Vietnam. L’occupation dura six semaines. Le 2 mai, la police vida les lieux et les étudiants se déplacèrent à la Sorbonne. Un ministre dira: «Ce ne sont que des groupuscules.» Le lendemain, nous étions 50 000 étudiants à descendre dans la rue en scandant : «Nous sommes tous des groupuscules!» La révolution de mai venait de commencer. Grève générale et occupation dans toute la France. À Paris, le Quartier latin est entouré de 40 barricades faites de lourds pavés pris à même les rues défaites. Le quartier résistera malgré de nombreux assauts de la police. L’occupation des locaux et la grève dureront tout au long des semaines qui suivirent. Aux étudiants s’ajoutèrent 10 millions de grévistes ouvriers. Tous les lieux publics, tous les théâtres occupés deviendront des lieux de parole où étudiants et salariés échangeront sans contrainte. Dans la cour intérieure de la Sorbonne, la table d’information des militants chrétiens côtoyait sans problème celle des marxistes-léninistes. Des enfants jouaient dans les rues ensablées, car comme le disait un slogan de l’époque : «Dessous les pavés, c’est la plage!» Des mères de famille pouvaient, pour la première fois, entrer à la Sorbonne et en visiter tous les locaux. Ce qui se passait en France avait des échos partout dans le monde : en Tchécoslovaquie communiste, le mouvement étudiant réussit à provoquer un changement de gouvernement et les nouveaux dirigeants laissèrent libre cours au fameux printemps de Prague, provoquant la colère de Moscou. Aux États-Unis, mobilisés contre la sale guerre que leur gouvernement menait au Vietnam, les étudiants occuperont 12 universités et des manifestations auront lieu à la grandeur du territoire, notamment à Chicago où, lors d’affrontements, plus de 2000 personnes furent arrêtées, 500 furent blessées et 11 tuées. Partout la jeunesse se leva contre l’ordre pétrifié régnant. C’était il y a cinquante ans cette année. Que nous réserve 2018 alors que cette fois ce sont les enfants qui entrent en scène? C’est ce que nous verrons la semaine prochaine.  

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