Les plaisirs interdits

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Par Denise Paquin

Encore un qui s’envoie en l’air ! Je parle, bien sûr, de ce pieux psychopathe qui s’est fait exploser au sein d’un parterre rempli de jeunes gens, et certains très très jeunes, qui ne demandaient à la vie ce soir-là que quelques moments heureux avec leur idole. Tous étaient là pour la musique, pour un peu de plaisir susceptible d’ensoleiller leur vie d’ados. Mais voilà ! Pour certains fanatiques religieux, le plaisir doit être combattu avec la dernière (littéralement, dans ce cas) énergie, convaincus qu’ils sont que leur dieu leur prépare un voyage tout compris au paradis. Creusons un peu. L’histoire de l’humanité, c’est un peu l’histoire du plaisir. Rustre et presqu’exclusivement sexuel au début, le plaisir s’est raffiné au fil des siècles. Il a évolué avec l’esprit et il a développé plusieurs sources : esthétique, romantique, philosophique, musical, etc. Mais cette histoire du plaisir est loin d’être un long fleuve tranquille, elle a connu et connaît encore des hauts et des bas. Les barbares sont, de tout temps, à l’affût. Toute personne, par exemple, qui se trouve devant une oeuvre architecturale d’un passé très lointain ne peut qu’éprouver un certain plaisir, celui de contempler ce passé grâce à ces restes, témoins de leur époque. On pourrait croire que ce plaisir issu de l’émerveillement est universel. Il n’en est rien : il se trouve des idiots manipulés par des religieux criminels pour réduire l’histoire en poussière (tapez Palmyre avant après sur Google). Les exemples d’attentats contre le plaisir et les gens qui s’en rendent coupables continuent de se multiplier : Charlie Hebdo, contre les plaisirs de l’esprit, soit l’humour et la réflexion ; le Bataclan, contre le plaisir de vivre la communion humaine à travers un concert ; Nice, contre le plaisir de se retrouver en famille un soir de feux d’artifice ; ces derniers jours, Manchester, contre le plaisir d’entendre de la musique et de vivre son adolescence. Et d’autres encore. Mais ce serait faire affront à d’autres victimes paisibles que de passer sous silence ceux qui ne voulaient que vivre leur foi, une foi qui n’était plus conquérante : ce vieux prêtre de Normandie, sauvagement assassiné dans son église et, je viens de l’apprendre en écrivant ces mots, un groupe de pèlerins dont des enfants dans la campagne égyptienne. Les assassins sont les mêmes : des fous d’un dieu qui n’aime pas la vie et ses plaisirs, un dieu jaloux de son identité qui nie celle des autres dieux.

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