La santé mentale malmenée

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Par Denise Paquin

L’Association canadienne pour la santé mentale (ACSM), division du Québec, vient de lancer un pavé dans la mare des tenants du néolibéralisme. Rappelons d’abord ce qu’est le néolibéralisme : il s’agit de l’idéologie dominante qui sévit sur notre planète depuis une trentaine d’années et qui est largement responsable des inégalités croissantes scandaleuses dans toutes nos sociétés. Son credo et ses objectifs : le moins d’impôts possible (c’est-à-dire moins de solidarité entre les êtres humains), la privatisation tout azimut et la commercialisation des services (y compris la santé et l’éducation) et, en conséquence, le moins d’intervention possible de l’État (l’État étant le lieu de l’intervention de la collectivité, de la défense de ses intérêts et de la réduction des inégalités).

Que nous dit l’ACSM ? Que l’individualisme qui s’est développé suite à l’application des politiques néolibérales est néfaste pour le bien-être individuel et collectif. Plus précisément, l’ACSM soutient que les normes de performance et d’adaptation permanente chez des personnes laissées à elles-mêmes (en vertu du principe de l’autonomie et de la responsabilité individuelle si cher aux néolibéraux) ne peuvent qu’affecter la vie et le bien-être de tous.

Dans une société où règne de nouveau la loi de la jungle, la souffrance éprouvée, même par les plus forts, est d’autant plus grande que les ressources se font plus rares et plus difficiles d’accès. Selon les dirigeants de l’ACSM, « les personnes qui souffrent doivent savoir qu’elles peuvent compter sur la présence de professionnels de qualité, offrant une pluralité de services (réseaux communautaire et institutionnel) et de solutions ».

Mais l’ACSM va lus loin : elle questionne les normes sociales contemporaines en disant que nous n’avons pas à nous soumettre aveuglément aux exigences du néolibéralisme et que l’engagement citoyen est plus que jamais nécessaire pour que «la santé mentale devienne une priorité et une responsabilité collective ». Quand des individus souffrent, c’est toute la société qui écope, il importe donc que collectivement nous nous penchions sur les normes imposées par le néolibéralisme et devenions des agents de changement. Il faut, selon l’ACSM, trouver un équilibre entre la consolidation des compétences individuelles et un environnement et des ressources qui lui sont favorables. Un équilibre, disons-le, difficile à atteindre dans une économie qui fonctionne pour elle-même et qui carbure à des normes de rendement et de rentabilité dont le calcul n’inclut souvent pas le coût humain.

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