Suzanne Devlin, de Saint-Raymond à la Nouvelle-Calédonie

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Par Mathieu Hardy

Avant d’atterrir sur cet archipel qui abrite la deuxième plus importante barrière de corail au monde, Suzanne a fait son chemin dans Portneuf. En travaillant au privé, mais aussi en politique, comme conseillère. Et ce sont ces expériences professionnelles qui l’ont poussée à voir grand.

 

Le goût du voyage

«Mon ancien patron, l’ex-député libéral Claude Duplain, m’a dit plusieurs fois : «Suzanne, tu es faite pour travailler à l’international»», confie-t-elle, avouant ne pas trop comprendre, à l’époque, la valeur de son message.

La vie continue. Leurs chemins se séparent. Mais Suzanne garde toujours au fond d’elle cet aveu qu’elle mesure à son désir de voyager. Cette envie de prendre le large la titille depuis l’été de ses 17 ans, pendant lequel elle a rencontré de nombreux touristes en travaillant dans le Parc national de la Jacques-Cartier. «Je me suis toujours dit: «un jour, je vais voyager pour découvrir d’autres façons de vivre»», se souvient-elle.

Travailler à l’étranger lui semblait impossible sans diplôme universitaire. Son objectif d’alors: repousser ses frontières personnelles et professionnelles.

C’est pourquoi elle met les bouchées doubles au cours des trois années qui ont précédé son départ pour la Nouvelle-Calédonie afin de décrocher une maîtrise en gestion des ressources humaines qui s’ajoute à son diplôme collégial en éducation spécialisée.

 

Le hasard

Rien ne destinait Suzanne à cette vie dans le Caillou. «Jamais qu’on n’aurait pu penser que je me rendrais là où je suis aujourd’hui». Une fois ses études terminées, des amis qui habitent la Nouvelle-Calédonie lui mentionnent que l’entreprise Koniambo Nickel recherche une coordonnatrice senior en communication et en gestion des ressources humaines pour un important projet minier dans le nord du pays.

Elle pose sa candidature, puis obtient le poste qu’elle occupa pendant trois ans, jusqu’à ce qu’éclate la crise du nickel. «C’est une expérience folle que je ne pensais jamais vivre. Je me suis occupée d’environ 150 familles canadiennes expatriées pour favoriser leur intégration et démystifier la culture», explique-t-elle avec une passion qui transcende l’écran qui nous sépare.

 

Se dépasser

Pourquoi choisir de traverser le Pacifique pour gagner sa vie et quitter ses proches et son confort? «C’est sûr que c’est quand même insécurisant de partir pour une aventure comme celle-là, mais ce qui m’a motivé, c’est que je voulais «challenger» mes façons de penser», argue-t-elle. Un simple voyage ne suffisait pas pour elle. «Quand on voyage en tant que touriste, on n’a pas cette profondeur-là parce qu’on n’est pas confrontés aux obstacles.» Suzanne puise sans doute sa motivation à travers les rapports humains qu’elle cultive dans son pays d’adoption. «Je suis quelqu’un qui a toujours été très passionnée par la connaissance des autres, à savoir comment ils vivent, comment ils réagissent. Tout ce qui est lié aux comportements sociaux et aux autres cultures, ça m’a toujours intéressée.»

 

Changement de cap

Après que son contrat avec Koniambo Nickel se soit terminé, Suzanne change de cap et décide de fonder son entreprise spécialisée dans la performance organisationnelle qui l’amène à former des dirigeants d’entreprise. Elle gère aussi plusieurs projets en matière de prévention du suicide. Aujourd’hui, son entreprise prospère et c’est un peu grâce à elle qu’elle reste attachée à la région de Portneuf.

 

Portneuvoise de coeur

Même en vivant à des milliers de kilomètres de sa région natale, Suzanne Devlin est demeurée une Portneuvoise de coeur. En prévention du suicide, son travail de terrain dans les établissements scolaires l’amène à consulter des intervenants de l’Arc-en-ciel, entre autres, Steve Dubois, qu’elle considère comme son mentor «pour faire le pont entre les expertises québécoises et les besoins en Nouvelle-Calédonie».

En faisant rayonner à l’outremer l’expertise portneuvoise en matière de prévention du suicide, Suzanne reste en contact avec son monde et fait progresser celui des Néo-Calédoniens qui l’ont accueillie à bras ouverts il y a déjà plus de quatre ans. «L’expertise de Portneuf a clairement une incidence sur les approches en Nouvelle-Calédonie», indique-t-elle.

Voilà maintenant plus d’une heure qu’on échange, que Suzanne me fait découvrir son quotidien, qu’elle me montre la beauté paradisiaque du paysage de la Nouvelle-Calédonie. On s’y sent, selon ses dires, en vacances à longueur d’année à cause du rythme de vie plus lent, du temps plus que clément. Une question s’impose donc.

La Nouvelle-Calédonie, c’est pour le reste de la vie? «À chaque jour, je me lève le matin et je me pose la question. Je ne prends pas pour acquis que je vais rester ici toute ma vie. Je pense que ma région me manquerait trop», témoigne Suzanne.

Parce que sa région lui manque, elle est revenue chez nous à plusieurs reprises depuis quatre ans pour revoir les siens. Au moment de notre rencontre virtuelle, elle préparait d’ailleurs un voyage de quelques jours dans Portneuf à la mi-octobre, entre autres pour venir participer à une corvée organisée par l’Association du domaine du lac Bison, avec qui elle travaille à distance. Tout ça pour continuer à voir grand. Car ne l’oublions pas, c’est ici que tout a commencé.

Mais, au bout du compte, qu’est-ce que ça prend pour voir grand? «Il faut avoir le désir de comprendre et de connaître l’autre avant de le juger. Comprendre ce qui le motive et pourquoi il fonctionne comme ça. Il y a bien sûr la confiance en soi. À partir du moment où on confiance en soi, on est plus facilement ouverts à ce qu’on ne peut pas contrôler».

Ce modus operandi, le sien, vaut la peine d’être partagé à tous ceux qui doutent encore que, dans la vie, tout est possible. Même que parfois, voir grand permet de vivre… ses rêves.

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