Les agents de la faune fêtent leurs 150 ans

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Par Denise Paquin
Les agents de la faune fêtent leurs 150 ans

Parmi tous les anniversaires qui ont été célébrés cette année, celui du 150e des agents de protection de la faune au Québec est passé inaperçu. Le plus vieux corps au Canada est né en 1867, la même année que Pont-Rouge!

«On sait que les premiers agents ont été nommés à Sherbrooke en 1867, mais on ne sait pas à partir de quand il y en a eu dans Portneuf», avoue d’emblée le sergent Chamberland. Il ne doute pas, cependant, qu’une région giboyeuse comme Portneuf ait accueilli quelques-uns des pionniers du service dont les bases ont été jetées en 1897 par Louis-Zéphirin Joncas, le premier surintendant des Pêcheries et de la Chasse au Québec.

Même si 150 ans se sont écoulés, le but du service n’a pas changé: contrer le braconnage, protéger la faune et assurer la sécurité de la population. Environ 360 agents répartis dans 80 postes au Québec font ce travail. Ils sont cinq au poste de Saint-Raymond.

Si on demandait aux premiers agents d’être de bons chasseurs, il leur faut aujourd’hui une attestation d’études collégiales et une formation à la Station Duchesnay. «Le service a énormément évolué tout comme les techniques de travail ont évolué avec celles de braconnage», reconnaît Rémy Chamberland.

Les agents de protection de la faune veillent au respect d’une dizaine de lois et de près de 150 règlements relatifs à la faune et à ses habitats. Ayant le statut d’agents de la paix, ils xwpeuvent faire des inspections, des enquêtes, des perquisitions et des saisies. Comme les agents de la populaire série «CSI», ils ont aussi à leur disposition un laboratoire biolégal pour établir leurs preuves. Il en résulte une hausse des infractions, selon le sergent Chamberland. Environ 7500 constats de braconnage sont émis au Québec pour des amendes de 2 M$.

La gestion de nouvelles espèces animales, comme le dindon sauvage, est l’un des leurs défis. «Il y a dix ans, il n’y en avait pas la région, aujourd’hui on trouve une bonne population à Deschambault-Grondines, Saint-Marc-des-Carrières et Saint-Gilbert. Il y a de plus en plus d’adeptes à cette chasse de printemps», explique le sergent Chamberland qui prévoit que le volatile va coloniser rapidement le reste de Portneuf.

Après s’être donné l’objectif de devenir «la référence nord-américaine en protection de la faune et des habitats», le service de protection de la faune disposera de nouveaux moyens pour assurer ses mandats.

Le ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs, Luc Blanchette, en a donné un aperçu en déposant, le 8 décembre, un projet pour modifier la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune. Son objectif est d’intensifier la lutte au braconnage, d’améliorer la protection de la faune et ses habitats et de moderniser les façons de faire des agents pour répondre aux défis actuels.

Pour en savoir plus sur l’histoire des agents de la faune au Québec et leurs services, visiter le site Internet du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs, à http://mffp.gouv.qc.ca/la-faune/protection-de-faune/.

 

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La protection de la faune: toute une épopée

La création du service de protection de la faune au Québec est un véritable épopée, comme en témoigne Sylvain Gingras, avec force témoignages et photos, dans son livre «L’épopée de la forêt» publié en 2008 à Saint-Raymond. Dans le chapitre intitulé «De garde-chasse à agent de protection de la faune», l’auteur nous apprend que l’intendant Bégon est l’auteur de l’un des premiers réglements de chasse et pêche au Québec. En 1721, pour protéger la perdrix, objet d’une chasse sans merci qui fait craindre «sa destruction», il interdit de les tuer durant la période de reproduction, du 15 mars au 15 juillet. L’Acte de l’Amérique du nord britannique, en 1867, entraîne le transfert des terres de la Couronne aux provinces et les oblige à protéger les ressources qui s’y trouvent. Le braconnage fait des ravages chez la sauvagine comme chez les animaux à fourrure, mais seulement quatre garde-chasse sont embauchés pour tout le Québec! Ils gagnent 100$ par année tandis que les fonctionnaires attitrés à la protection de la forêt – la priorité du gouvernement – en gagnent 200$. Il faudra attendre l’année 1897 pour qu’un réformateur de la trempe de Louis-Zéphirin Joncas, le premier surintendant des Pêcheries et de la Chasse au Québec, jette les bases d’un véritable service de protection de la faune. En plus de proposer une hausse des salaires, il promeut la création de permis de pêche et de chasse, l’imposition de limites de captures, l’interdiction de vente de gros gibier et l’instauration de coupons pour le transport des bêtes abattues. Dans ce contexte de laissez-aller, les clubs de chasse et pêche privés, fréquentés par des étrangers fortunés, deviendront durant le début du 20e siècle le fer de lance de la protection de la faune pour le gouvernement qui leur octroie les baux sur les meilleurs plans d’eau. En forêt, le carnage se continue. Le gibier braconné est servi dans les restaurants, vendu dans les commerces. Un rapport de 1943 indique que le braconnage tue deux fois plus de chevreuils et d’orignaux que la chasse légale. En 1944, exaspéré par la situation, le surintendant Charles Frémont affirme qu’il faudrait une armée pour prendre le dessus et il compare la situation sur les terres de la Courrone à celle dans les clubs: «Dans les territoires affermés aux clubs […] il y a un gardien pour chaque 17 milles carrés alors que sur les terres libres de la Couronne, nous avons un garde-chasse par 1000 milles carrés […]» Des voix s’élèvent, des élus demandent des réformes. Le nombre de garde-chasse augmente, mais ils sont mis à pied selon le bon vouloir des gouvernements élus ou quand il veut faire des économies. Les années 1950 marquent un tournant. Les agents revêtent l’uniforme et, après bien des résistances, une formation leur est offerte. Auparavant, on misait sur l’adage que le meilleur garde-chasse était le meilleur braconnier… La Révolution tranquille et les années 1960 font aussi entrer les agents de protection de la faune dans l’ère moderne. Ils deviennent membres de la toute nouvelle fonction publique et Québec leur fournit – enfin – l’équipement et les véhicules identifiés pour faire leur travail.

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