Avoir Portneuf en mémoire

Photo de Denise Paquin
Par Denise Paquin

Les Portneuvois ne sont pas tous originaires de Portneuf mais tous peuvent développer un sentiment d’appartenance à Portneuf. Nous sommes plusieurs venus d’ailleurs pour nous joindre aux descendants de ceux et celles qui ont fait de Portneuf une terre habitable, enfin habitable selon les critères européens d’alors car avant eux, Portneuf était peuplé autrement mais ses habitants y vivaient bien. Il y a 400 ans, les premiers immigrants français se sont retrouvés devant une forêt qui s’étendait du fleuve jusqu’à perdre le nord. Parcourir le Chemin du Roy ou la 138, c’est aller à la rencontre des familles à qui nous devons la fondation de ce qui allait devenir un petit pays dans le grand. Certaines d’entre elles n’ont jamais cessé de labourer année après année, siècle après siècle, jusqu’à aujourd’hui une terre qu’ils ont rendue nourricière. Plusieurs de leurs enfants ont poussé le défrichage vers le nord pour, à leur tour, créer terres et villages jusqu’aux montagnes. Certains ont délaissé le travail de la terre pour devenir forestiers. La chose se faisait naturellement car tout défricheur portait déjà en lui les compétences d’un travailleur forestier. D’éleveurs de bétail d’usage exclusivement familial, plusieurs paysans sont devenus producteurs laitiers. Ceux de la forêt ont développé les techniques de transformation du bois. Le bois de sciage est devenu une industrie. Petit à petit, ces entreprises ont attiré des gens venus d’ailleurs, les immigrants québécois des autres régions. Les besoins allaient grandissant : l’éducation, la santé, le commerce et les services en général ont fait venir des gens qui ont changé le visage de Portneuf. Mais tous ces nouveaux venus ne peuvent développer un sentiment d’appartenance à ce coin de terre sans cultiver la mémoire de ce qu’ont accompli les plus anciens. Nous ne pouvons exiger ce devoir de mémoire de la part des immigrants venus des autres pays sans nous-mêmes faire l’effort de savoir d’où nous venons nous-mêmes. La connaissance du passé et de l’importance de ceux qui l’ont fait nous conduit à la gratitude et à la solidarité. L’actualité nous donne l’occasion de manifester celles-ci. Les producteurs laitiers et leurs familles subissent une attaque frontale tant de la part d’un de nos politiciens que du médiocre mais puissant président américain. Cette attaque vise aussi les travailleurs de la forêt et du bois d’oeuvre. Plus fondamentalement, elle vise toute notre société, coupable de pratiquer une économie où les individus et leur famille ont encore une place.  

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